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jeudi 22 mars 2007

Le rêve Botticelli

Le rêve Botticelli
Autrice : Sophie Chauveau

Texte de présentation

Florence, XVe siècle. Sous le règne de Laurent le Magnifique, jamais le sang, la beauté, la mort et la passion ne se sont autant mêlés dans la capitale toscane.
Le plus doué des élèves de Fra Filippo Lippi, un certain Sandro Filipepi surnommé depuis l'enfance botticello (le petit tonneau) va mener à son apogée la peinture de la Renaissance.
Maître d'oeuvre de la chapelle Sixtine, créateur bouleversant d'un Printemps inouï, il ressent intimement et annonce les soubresauts de son époque. Pendant que Savonarole enflamme la ville par ses prophéties apocalyptiques, il continue à peindre avec fougue. En adoration devant les visages et les corps de ses modèles mais pétrifié par la sensualité des femmes qui l'entourent, il choisit ses amants parmi ses pairs. En proie à la mélancolie, à ses souffrances et aux crises de prostration qu'elle suscite, Botticelli incarne le tempérament et le magnétisme des hommes marqués par le génie. Il entretient alors avec Léonard de Vinci une relation faite de rivalité farouche et d'amitié profonde.
Adulé puis oublié de tous, aussi secret que Florence est flamboyante, Botticelli habite un rêve connu de lui seul.

En complément

  • Sophie Chauveau a été invitée par Stéphanie Duncan dans le cadre de son émission radio "Autant en emporte l'histoire" sur France Inter. Vous pouvez réécouter cette émission en cliquant sur ce lien : "Botticelli monte au bûcher".

Mon avis : Assez Bien

Deuxième volet de sa trilogie "Le siècle de Florence", Le Rêve Botticelli retrace le parcours intime et artistique de Alessandro di Mariano di Vanni Filipepi, dit Sandro Botticelli (1445-1510).

L'élève de Filippo Lippi
Après avoir consacré le premier volume de sa série à Filippo Lippi (La Passion Lippi), Sophie Chauveau poursuit son hommage aux artistes florentins de la Renaissance qui ont conquis leur liberté, passant du statut d'artisans à celui d'artistes. Dans la continuité de La Passion Lippi, l'auteur nous conte maintenant l'histoire de Botticelli, qui fut l'élève le plus doué de Fra Filippo Lippi. À la mort de ce dernier, Botticelli fonde son propre atelier dans lequel travaille le fils de Lippi, Filippino dit Pipo.

Une biographie romancée
Malgré la présence d'une bibliographie étoffée et d'une chronologie précise en fin de roman, il m'a été impossible de distinguer la part du vrai de la part de la fiction, d'autant que l'auteur n'a pas rédigé de notes en ce sens. Que ce roman apporte une vision quelque peu faussée de la réalité ou bien dresse un portrait réaliste du peintre, il me semble indispensable de se documenter par ailleurs tant la part romanesque m'a semblé forte. De toute façon, étant donné que les oeuvres mentionnées dans le roman n'y sont pas reproduites, le lecteur est obligé d'aller se documenter par ailleurs sur Internet ou dans d'autres livres. Cette frustration a été pour moi l'occasion de replonger dans les événements artistiques ou historiques de l'époque, de lire d'autres livres, de surfer sur le web, pour y confronter les faits, les caractères et les vies des protagonistes, les circonstances de la création des oeuvres décrites.
Bien que l'on ne sache pas ce qui relève ici de la réalité ou de la fiction, ce roman est documenté, c'est indubitable. Il est également certain que l'auteur, après s'être documentée, s'est fait sa propre idée du personnage Botticelli et c'est cette image qu'elle nous présente à travers son roman. Un roman facile à lire, au style vivant et bien rythmé.

Une bonne entrée en matière
Effectivement, privilégiant la petite histoire au détriment de l'oeuvre de l'artiste, ce roman n'explore pas suffisamment l'oeuvre de Botticelli ni son rôle essentiel dans l'histoire de l'art. Quelques oeuvres nous sont présentées, mais l'on ne perçoit pas la révolution artistique introduite par Botticelli. Qu'a apporté Botticelli à l'histoire de l'art ? Quelle fut sa contribution ? Quelles étaient les caractéristiques de sa peinture ? On perçoit bien que quelque chose d'important se joue entre la ligne de Botticelli et le modelé de Léonard de Vinci, il suffit d'écouter Botticelli s'adressant à Léonard de Vinci à la fin du roman lorsqu'il découvre la Mona Lisa que Léonard est en train de réaliser :
"– Ce que j'ai fait à côté de toi, ça n'est rien. Je n'ai rien compris à la peinture, je me suis trompé sur tout. Toi, tu as vu, tu as su, et ça y est, c'est là... Toutes ces années, je me suis trompé. Ça n'était pas la peine. J'ai tout raté. Je suis fini."
En effet, sur la fin de sa vie, alors que Léonard de Vinci est de retour à Florence, une sorte de bras-de-fer amical s'engage entre eux : plus Léonard de Vinci estompe son dessin, plus Botticelli appuie ses contours et durcit son trait. Car la ligne est tout pour Botticelli : "La ligne de son dessin, de ses contours, une ligne appuyée, aux formes strictement découpées, avec un goût pour l'ornement graphique, précis comme l'exige l'orfèvrerie. La ligne est la charpente même de son écriture. Il s'applique davantage aux plis et aux incises, aux formes arabesques, aux inflexions souples et mobiles qu'à leur emplissage. Ses silhouettes aux contours ciselés et vigoureux... La ligne, toujours, la ligne, la ligne encore, c'est sa constante préoccupation ; parfois son obsession."
En revanche, l'auteur remet bien les oeuvres mentionnées dans le contexte de l'époque, avec les personnages concernés (commanditaires ou bien modèles), ce qui permet de se familiariser avec les oeuvres, d'en avoir une connaissance plus intime qu'artistique : Saint Sébastien, fresques de la chapelle Sixtine, Pallas et le Centaure, Le Printemps, La Naissance de Vénus...

Une bonne retranscription du contexte historique et artistique
Tout en découvrant la vie de Botticelli, se dévoile à l'arrière-plan toute l'atmosphère des milieux artistiques et politiques de l'époque, la Florence des Médicis puis de Savonarole, mais aussi la vie d'un atelier de peintre de l'époque, les liens entre artistes faits d'admiration, d'amitié et de jalousie...
Au XVe siècle, Florence est véritablement le berceau de la Renaissance artistique, notamment grâce au mécénat soutenu de Laurent de Médicis dit le Magnifique.
À sa mort, le climat politique se détériore et devient extrêmement tendu. Certes, à l'époque déjà, le pouvoir des Médicis était en sursis, comme le démontre la conjuration des Pazzi (26 avril 1478) et ses représailles, mais après la disparition de Laurent le Magnifique, les menaces se multiplient : effrayée par les troupes de Charles VIII qui approchent de la cité et par la peste qui touche la ville, la population se laisse gagner par les superstitions et les peurs ancestrales, ouvrant par là même la voie au moine Savonarole, à ses diatribes, ses bandes cruelles d'enfants et ses autodafés...
Malgré ce contexte troublé, la vie continue... Marsile Ficin, Ange Politien, Simonetta Vespucci, Pic de la Mirandole, Fra Diamante, Domenico Ghirlandaio, Luca Signorelli, Léonard de Vinci, Filippino Lippi, Sandra Lippi, Giorgio Vespucci, Laurent le Magnifique, Lorenzo de Médicis, Pierre II de Médicis sont autant de grandes figures historiques ou artistiques que l'on découvre au cours de la lecture de ce roman. Tous témoignent admiration et estime pour Botticelli, lui qui en a si peu pour sa propre personne.

Un portrait intimiste de l'artiste avec toutes ses contradictions
Peintre italien éminemment connu de la Renaissance italienne et même de l'histoire de l'art, Sandro Botticelli était pour moi un peintre de la grâce, de l'élégance et du bonheur. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir un homme mélancolique et tourmenté !
"Melancholia, mélancolie. Léonard prend cette affection pour de la tristesse, ou pis, la confond avec les crises de chagrin qui l'ébranlent quand il a le sentiment de ne pas être à la hauteur de son propre jugement. Alors il se hait. Botticelli ne se hait jamais. Pour ça, il faut déjà s'aimer un peu, et il ne tient pas beaucoup à lui-même. Ni à la vie. Pendant ses crises, il ne peut plus la voir en peinture. Il ferme les yeux, se coupe du monde et ne peint plus. Sa mélancolie est davantage une peine abstraite, une peine de vivre. Non tant de ne pas y arriver que de ne plus vouloir. Une délectation à rester dans l'ennui."
De par son surnom – Botticello signifie "petit tonneau" –, je pensais avoir affaire à un homme de taille moyenne et plutôt rondouillard. En réalité, Botticelli est "long, incroyablement long, maigre, filiforme, hâve et dégingandé, toujours d'une pâleur inquiétante". Doté d'une grande sensibilité, il est révulsé par la violence et la férocité de son époque, ne supportant ni les représailles au lendemain de la conjuration des Pazzi ni le supplice de Savonarole. Aux hommes, il préfère les animaux, et notamment tous les chats qui vivent dans son atelier et qui veillent sur lui. Bien que son tempérament mélancolique lui joue des tours – son amant Pipo (Filippino Lippi) finit par le délaisser, lui a besoin de s'amuser –, jamais il ne se lamente sur son sort, même quand à la suite d'une agression il finit infirme, avec des difficultés pour rester longtemps debout.
Même s'il considère la famille Lippi comme sa véritable famille – Lucrezia, Pipo et Sandra –, Botticelli vit auprès de la famille – sa mère Esméralda, "la vieille matriarche qui donne des ordres à l'encan du haut de son mètre trente avec l'autorité de son quintal de chair flottant autour d'elle" et ses trois frères, Antonio (orfèvre), Simone et Giovanni (courtier). Enfant, considéré comme le vilain petit canard de la famille, il était le souffre-douleur et la risée des siens. Cet enfant différent, incompris de sa famille, est devenu un adulte et même plus, un artiste renommé, que sa famille ne reconnaît que pour les avantages qu'il lui rapporte. Cette famille bruyante et pas très raffinée vit au premier étage de la maison de Botticelli. Au rez-de-chaussée, se trouvent la bottega, la boutique de son frère orfèvre et l'atelier de Botticelli.
Vivant entouré de ses nombreux chats, il ressent un profond amour pour Pipo puis sa soeur Sandra, laquelle fut le modèle de plusieurs de ses tableaux (ainsi que Simonetta Vespucci). Mais ces amours sont voués à l'échec : autant Pipo respire la joie de vivre, autant Botticelli est un être profondément mélancolique. Quant à Sandra, la terreur qui s'empare de lui quand il apprend qu'il va devenir père a de quoi surprendre, mais elle devient plus compréhensible lorsqu'on écoute les explications de Lucrezia : "Sa mère ne l'a jamais aimé, il n'a jamais rien connu d'heureux avant d'entrer chez ton père [Filippo Lippi]. Pour lui, maternité et petite enfance sont synonymes de chagrin, de cris... Ses quatre petites soeurs sont mortes après sa naissance."
En parallèle, il noue une relation amicale très forte avec Léonard de Vinci, faite à la fois d'admiration et de rivalité. Et pourtant, ces deux personnages, même s'ils ont quelques points en commun – végétariens, ils ne connaissent pas le latin, ne boivent pas d'alcool, adorent les animaux et sont de grande taille et chevelus –, sont l'antithèse l'un de l'autre : autant Léonard, amoureux de la vie, est charismatique et séduit les foules, autant Botticelli le mélancolique vit dans un monde à part, incapable de comprendre le monde qui l'entoure, un monde bruyant, sale et cruel. Et pourtant ils ressentent l'un pour l'autre une profonde admiration et une affection indéfectible.
À la lumière de cette description, les visages qu'il a pu peindre prennent une nouvelle dimension : extrêmement beaux, mais le regard perdu dans le lointain, ses personnages semblent inaccessibles, distants, enfermés dans leur propre mélancolie, conscients de la dureté et de la brièveté de la vie. Mais la sensibilité de l'artiste, rendue dans ses oeuvres, est seulement évoquée, rarement développée.

Des descriptions d'ébats sexuels trop appuyées et inutiles
Si seulement les oeuvres évoquées étaient aussi longuement et précisément décrites que les scènes sexuelles... Le roman débute sur une scène de lit entre Botticelli et Pipo, mais ce n'est pas fini car d'autres scènes, homosexuelles ou hétérosexuelles, interviennent au cours du roman. L'auteur aurait pu évoquer avec sensibilité, élégance et raffinement ces moments ; au contraire, elle se complaît dans la description crue et quasi anatomique des scènes. Cela n'a aucun intérêt et c'est vraiment désagréable vu le sujet du roman.

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En conclusion
Points forts :
  • Une manière plaisante de découvrir le peintre Botticelli.
  • Un portrait intime et psychologique de l'artiste.
  • La part romanesque est crédible et agréable à lire.
  • Une description intéressante du contexte historique et artistique de l'époque, qui ne nuit pas à la lecture.

Points faibles :
  • Le roman s'arrête avant la mort de Botticelli. Que devient-il ? Que devient Sandra ? Que devient son fils ? Mystère…
  • Des scènes parfois crues et totalement inutiles.
  • Des oeuvres seulement évoquées, pas assez mises en rapport avec le contexte et l'artiste.
  • Difficultés à démêler le vrai du faux.
  • Pas de reproductions des oeuvres mentionnées.

Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : Folio
Date de parution : mars 2007
Couverture : brochée
Format : 10,8 cm x 17,8 cm
Pagination : 496 pages
ISBN : 978-2-0703-4175-7

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