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mercredi 2 juin 2021

Les lys pourpres

Les lys pourpres
Autrice : Karin Hann

Texte de présentation

1538. François Ier règne sur une cour fastueuse, influencé par sa maîtresse, la duchesse d'Étampes. Arrivée d'Italie, la jeune Catherine de Médicis a épousé Henri, deuxième fils du roi, mais devient, au décès prématuré de son beau-frère, dauphine de France. Intelligente et cultivée, elle comprend que son époux est fou amoureux de Diane de Poitiers, de vingt ans son aînée, détestée de la favorite. Les affrontements entre ces deux rivales ont des répercussions politiques considérables et allument les premiers bûchers des guerres de religion. Aidée d'Oriane de Vaudricourt, laquelle renferme un secret, Catherine, dont la position est fragilisée parce qu'elle n'enfante pas, devient l'enjeu de cette lutte effroyable et doit oeuvrer sans relâche à déjouer complots et trahisons.
Éclairage inédit de cette femme hors du commun, attachante et étonnamment moderne, dans un XVIe siècle sensuel et envoûtant.

En complément


Mon avis : Assez Bien

Bien que terni à partir de 1562 par les guerres de religion, le XVIe siècle est bien le siècle de la Renaissance en France.
En cette première moitié du XVIe siècle, la France est un royaume apaisé, prospère, solidement administré, sur lequel règnent d'abord François Ier puis son fils Henri II. Mais ces deux rois ont un point faible : les femmes. Et c'est au sein même de cette Cour florissante et fastueuse que s'affrontent les favorites de François Ier et d'Henri II, Anne de Pisseleu et Diane de Poitiers, sous le regard de la jeune dauphine, Catherine de Médicis.

Une structure limpide et très agréable
Découpé en courts chapitres chronologiques et géographiques bien rythmés, ce roman suit les mouvements de la Cour, alors très mobile, évoluant de château en château en fonction des saisons et des impératifs politiques (Fontainebleau, Saint-Germain-en-Laye, Paris, Amboise, Chambord, Blois, Rambouillet, etc.). Cette structure permet au lecteur de choisir aisément par lui-même son rythme de lecture sans jamais se perdre.
Par ailleurs, le style est fluide, clair et agréable. Le récit ne comporte pas de longueurs et alterne de nombreux dialogues et quelques passages narratifs, rendant le roman très vivant. Petit plus, certains dialogues sont de temps en temps marqués d'un astérisque indiquant que le dialogue est réel et a bien été prononcé par le personnage en question.

L'histoire de France vue par le trou de la serrure
Le terme "trou de la serrure" pourrait être considéré comme péjoratif, mais il ne l'est vraiment pas dans le cas présent.
Tout en se basant sur une documentation sérieuse (dont la riche bibliographie proposée en fin d'ouvrage est un témoignage), l'auteur a pris le parti de nous raconter non pas l'histoire de France au XVIe siècle mais l'histoire de la Cour, un microcosme, vue au plus près par un narrateur omniscient au courant de toutes les pensées et sentiments des différents protagonistes. Se concentrant prioritairement sur les personnages, l'auteur n'en oublie pas de restituer à grands traits le contexte historique, mais celui-ci reste toutefois beaucoup trop au second plan à mon goût. Les événements historiques ne sont mentionnés que par des notes de bas de page. Certes, ce roman nous épargne ainsi la lourdeur de l'évocation des faits historiques et nous permet d'entrer facilement dans l'intimité des personnages, mais le récit en devient trop léger, pas suffisamment assis sur des bases historiques. Les personnages semblent évoluer en dehors de tout environnement réel ou historique. Aussi, ces notes de bas de page sont-elles un complément vraiment indispensable dans l'acquisition de quelques repères chronologiques ou de connaissances sur cette période. Cependant, certaines informations me semblent parfois amenées avec trop d'assurance : ainsi en va-t-il pour la note concernant la destinée de Françoise de Foix, dont on ignore véritablement la fin.

Des femmes au caractère bien affirmé en plein XVIe siècle
Anne de Pisseleu et Diane de Poitiers sont certes les maîtresses respectives de François Ier et d'Henri II, mais elles n'entendent pas se cantonner à ce rôle de favorite. Ces deux femmes cristallisent les premières oppositions religieuses avec deux clans qui se forment chacun autour d'elles, puisque Anne de Pisseleu défend les réformés tandis que Diane de Poitiers embrasse la cause des catholiques. Et cela, ni François Ier, ni Henri II n'en ont tenu compte. Préférant guerroyer ou festoyer, ils ont totalement sous-estimé la question religieuse ; plus grave, leurs maîtresses se sont servies de cette division religieuse naissante pour servir leurs propres intérêts. Et elles n'ont fait qu'envenimer le conflit qui opposait le roi à son fils, dans une relation déjà compliquée.

Amours, trahison, victoires, défaites... ces femmes oeuvrent dans l'ombre et n'ont pas le droit à l'erreur. Leur quotidien est fait de petites luttes qui semblent bien ridicules quand on songe à l'Histoire, mais qui sont appréciables et croustillantes dans le cadre d'un roman, surtout quand survient la jeune et inexpérimentée Catherine de Médicis. Tous les ingrédients d'une intrigue romanesque sont là : François Ier a pour favorite Anne de Pisseleu. Henri, le dauphin, a épousé Catherine de Médicis, une jeune femme pas très jolie et incapable de lui donner un enfant. De toute façon, il avait déjà le béguin pour Diane de Poitiers, de vingt ans son aînée. François Ier et Henri II ne s'entendent pas, le second reprochant au premier ce que lui-même fait mais en pire, puisque François Ier a toujours pris soin d'épargner à la reine Éléonore toute humiliation. Anne de Pisseleu et Diane de Poitiers se haïssent ; quant à Catherine de Médicis ses jours à la Cour sont comptés... Bref, c'est Dallas à la Cour de France !

Un portrait dépoussiéré de Catherine de Médicis
La personnalité de Catherine de Médicis est difficile à saisir parce qu'une légende noire est depuis toujours associée à son image, véhiculée par les historiens, l'école et les romanciers (notamment Alexandre Dumas et Michel Zévaco). Ce n'est véritablement que depuis la fin du XXe siècle que Catherine de Médicis a été réhabilitée, mais sa mauvaise réputation lui reste collée à la peau : étrangère à la Cour de France, elle a longtemps été considérée comme une femme machiavélique, dominatrice, arriviste, acariâtre, jalouse, etc. Ainsi, alors que je visitais le studiolo de Catherine de Médicis au château de Blois dans les années 1980, je me souviens que le guide nous avait raconté que Catherine de Médicis y dissimulait des poisons dans des placards à mécanisme secret. En réalité, ces placards servaient à exposer des oeuvres d'art et des livres précieux !

Ce roman nous fait découvrir une jeune Catherine de Médicis, qui vient d'arriver à la Cour de France. Si son beau-père, François Ier, l'apprécie beaucoup pour sa vivacité d'esprit et son intelligence, il n'en va pas de même pour le jeune Henri qui n'a d'yeux que pour Diane de Poitiers. Issue d'une famille célèbre de Florence, Catherine de Médicis ne joue d'abord aucun rôle, mais tout change le jour où le dauphin meurt. Devenue dauphine, elle est ensuite méprisée par la Cour  et négligée par Henri II car elle ne parvient pas à enfanter. Durant des années, Catherine va souffrir en silence, humble, subissant affronts et humiliations – Henri II considère Diane de Poitiers comme une seconde reine, initiales entrelacées H et D, Diane de Poitiers n'hésite pas à se mêler de ce qui ne la regarde pas, (notamment les relations intimes entre Catherine de Médicis et Henri II), etc. –, fragilisée dans son statut, puisque impuissante à donner un héritier à la couronne.

Pourtant, même à la mort d'Henri II, Catherine de Médicis reste digne et ne se venge pas de Diane de Poitiers : si elle lui retire le domaine de Chenonceaux, elle lui octroie le château de Chaumont. Geste élégant de sa part ou calcul politique pour ne pas s'aliéner le clan des Guises ? Mystère, mais il est patent que Catherine de Médicis est une femme cultivée, intelligente, diplomate, rusée, courageuse ; elle est dotée d'un sens politique hors du commun, c'est une véritable stratège qui sait dissimuler son talent et ses capacités d'analyse pour se fondre dans un entourage qu'elle sait hostile. En témoigne son comportement lors de la mort d'Henri II : loin de se laisser abattre par le chagrin, elle fait face, ruse et défait la famille des Guises qui convoite le pouvoir. Elle parvient à être consensuelle, ménageant les susceptibilités des uns et des autres, afin de ne jamais susciter trop d'inimitié. Certes, elle n'est pas parvenue à empêcher les tueries des guerres de religion, mais elle a toujours oeuvré en faveur de l'affermissement du pouvoir royal et de la paix en tentant de réconcilier les clans rivaux des catholiques et des réformés.
Le portrait dressé de Catherine de Médicis dans ce roman est vraiment émouvant car débarrassé de tous ces poncifs, de tous ces mensonges transmis de siècle en siècle. Il redonne dignité, honneur et prestige à un personnage historique trop longtemps dénigré, détesté et méprisé. Un portrait inédit de Catherine de Médicis qui oeuvra toute sa vie pour la paix, soucieuse de l'autorité monarchique.

Une trame romanesque minime face au sujet principal
L'histoire romanesque de tous ces personnages historiques est si forte que la trame romanesque imaginaire entre Oriane de Vaudricourt et Marc de Saint-Herray en devient accessoire, mais ces deux personnages jouent un rôle clé dans ce roman puisqu'ils ont chacun un pied dans un clan et ce positionnement permet à l'auteur de naviguer d'un clan à l'autre de manière fluide. Mais l'on prend tout de même plaisir à suivre leur relation assez compliquée !

Des annexes précieuses
Outre la riche bibliographie dont j'ai déjà fait mention, une note de l'auteur à la fin de l'ouvrage apporte des précisions historiques sur le récit et sur le futur destin de Catherine de Médicis à la mort de son mari. Peut-être que cela fera l'objet d'un prochain roman, d'une suite ? En tout cas, on découvre plein de petites informations, par exemple que la rivalité entre Anne de Pisseleu et Diane de Poitiers est née d'un "concours de beauté" organisé dans le cadre des festivités organisées pour le mariage de François Ier et auquel les deux femmes sont arrivées à égalité alors qu'au moins huit ans les séparent.

L'avis des blogueurs

Au bordel culturel –– Ça va mieux en le lisant –– Livres à lire –– Saveurs et lectures

Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : Éditions du Rocher
Date de parution : juin 2021
Couverture : brochée
Format : 11 cm x 17,8 cm
Pagination : 464 pages
ISBN : 978-2-2681-0552-9

Livre numérique

Éditeur : Éditions du Rocher
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