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jeudi 6 novembre 2014

Tu montreras ma tête au peuple

Tu montreras ma tête au peuple
Auteur : François-Henri Désérable

Texte de présentation

Paris, pendant la Révolution.
On y croise Charlotte Corday, dans sa cellule, pendant qu'un élève de David achève son portrait ; Adam Lux, un allemand tombé amoureux d'elle dans des circonstances pour le moins inattendues ; les Girondins, la fameuse nuit de leur dernier banquet à la Conciergerie ; Danton, pendant son ultime voyage jusqu'à la place de la Révolution ; le plus grand esprit français du XVIIIe siècle, qui nous apprend comment mourir avec élégance ; mais aussi Marie-Antoinette et Robespierre, le marquis de Lantenac et André Chénier.
Tous, dans les jours, les heures ou les minutes précédant la chute de leur tête dans le panier du bourreau.

Prix Amic de l'Académie française 2013.
Prix Jean d'Heurs du Roman Historique 2013.
Prix littéraire de la Vocation Marcel Bleustein-Blanchet 2013.


En complément

  • Vidéo :

Mon avis : Très Bien

Le titre de ce livre, qui reprend en partie la fameuse phase de Danton à l'adresse de son bourreau : "Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine.", résume bien le propos de ce roman.

Dix courts récits
Retour en arrière, au temps de la Révolution française, plus précisément au moment de la Terreur : "Il [le bourreau Sanson] savait exactement le nombre et le nom de ses victimes pendant la période qui s'étend du 21 janvier 1793 au 9 septembre 1795 : deux mille neuf cent dix-huit, dont mille trois cent soixante-seize en l'espace d'un mois et demi, entre le Loi de prairial et le 9 thermidor, pendant ce qu'on appelle aujourd'hui la grande Terreur."
Sous la forme de dix courts récits, François-Henri Désérable, doctorant en droit et joueur de hockey professionnel, nous fait partager les derniers instants de condamnés à mort célèbres, de Charlotte Corday à Maximilien Robespierre, en passant par Marie-Antoinette, Georges Jacques Danton ou bien encore Antoine Lavoisier (que j'ai bien eu du mal à identifier au début !). Et en ces temps-là, c'était la guillotine et le fameux bourreau Sanson, qui fait d'ailleurs l'objet d'une des nouvelles. Cette structure permet au lecteur d'interrompre facilement sa lecture entre chaque nouvelle.

Le choix des personnages
Pourquoi ces personnages et pas d'autres, comme Olympe de Gouges, Louis-Philippe d'Orléans, Richard Mique, Charles Henri d'Estaing, Georges Couthon par exemple ? Tous les personnages de ce récit ont exprimé des émotions ou fait preuve de courage, de dignité ou de reparties mémorables, bref il s'est passé quelque chose de fort avec eux, ce qui est narrativement très intéressant. Par exemple, avant d'avoir la tête tranchée, Charlotte Corday récita des vers de son ancêtre Corneille, Marie-Antoinette s'excusa d'avoir écrasé le pied du bourreau Sanson, André Chénier déclama des vers d'Andromaque (Racine), Antoine Lavoisier prit soin de mettre un signet à la page de l'ouvrage qu'il était en train de lire, les députés girondins chantèrent jusqu'au bout La Marseillaise… Tous ces personnages historiques redeviennent, sous la plume de l'auteur, de simples humains face à la mort. Certains ont reproché à l'auteur sa trop forte empathie pour ses personnages. Mais comment pourrait-il en être autrement ? N'oublions pas que derrière ces noms illustres il y avait des êtres humains, et ce quels que soient leurs actes, avec leurs souffrances, leurs forces, leurs faiblesses, leurs sentiments.

Une narration variée
Dix courts récits donc, mais rédigés selon des angles d'approche différents. En effet, à chaque nouveau récit, l'auteur se glisse dans la peau d'un observateur différent, ce qui change la forme narrative. Un livre protéiforme, à la fois roman, récit, recueil de nouvelles, œuvre épistolaire, journal intime.
Parfois, c'est l'héroïne elle-même qui s'exprime. C'est le cas de Charlotte Corday qui, posant en prison pour un peintre, lui raconte son histoire et confie les raisons de son geste. Mais, le plus souvent, ce sont des témoins qui se font l'écho des derniers instants des personnages. Ainsi, les ultimes moments de Marie-Antoinette à la Conciergerie sont relatés par un de ses geôliers dans son journal, un gardien raconte le courage des députés girondins qui ont chanté jusqu'au bout La Marseillaise, un condamné évoque la bravoure de Danton, Adam Lux relate l'exécution de Charlotte Corday, le frère d'André Chénier lui écrit une lettre après sa mort pour tenter de se libérer de sa culpabilité. Sans oublier l'agonie de Robespierre, relatée par le gendarme Merda. À part, le récit concernant Sanson, qui retrace l'histoire de sa famille, les différentes exécutions qui l'ont marqué et sa vie (il finira ruiné). Mais aussi le récit concernant le fictif marquis de Lantenac, le héros du roman Quatrevingt-Treize.

Une érudition mâtinée d'anecdotes et un style classique mais accessible
Jonglant habilement entre la fiction et la réalité des faits, l'auteur s'est basé sur des faits historiques pour construire ses différentes nouvelles, mais s'est laissé la liberté de se glisser dans la tête de ses personnages pour imaginer leurs sensations, leurs émotions, leurs pensées, leurs paroles...
Par ailleurs, l'auteur a réussi à donner un cadre historique précis sans nous assommer de détails rébarbatifs. Il a également pris soin de nourrir son texte d'anecdotes jamais futiles, toujours intéressantes.
En guise d'exemple en matière d'érudition, la nouvelle "Lantenac à la Conciergerie" mixe des personnages de Quatrevingt-Treize (Victor Hugo), des Dieux ont soif d'Anatole France, du Comte de Monte-Cristo (Alexandre Dumas, tome 1 et tome 2) et des Onze (Pierre Michon).
Une érudition servie par un style élégant, subtil et affûté. On sent que l'auteur a finement ciselé ses phrases pour bien rythmer son texte et ne pas créer de longueurs, d'où la pagination relativement peu importante et c'est tant mieux ! L'alternance des points de vue, des formes narratives, des personnages, des descriptions et des dialogues rendent l'ensemble du récit dynamique, alerte et percutant. Et l'on retrouve ou découvre avec plaisir toutes ces phrases mémorables :
  • Le savant Louis Lagrange à propos d'André Lavoisier : "Il ne leur a fallu qu'un moment pour faire tomber cette tête. Cent années, peut-être, ne suffiront pas pour en reproduire une semblable".
  • Madame du Barry au bourreau Sanson : "Pas tout de suite, encore un instant, monsieur le bourreau, je vous en prie."
  • Danton au bourreau Sanson : "Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine."
  • Charlotte Corday au bourreau Sanson alors qu'il lui demandait si le trajet en charrette lui semblait long : "Bah ! Nous sommes toujours sûrs d'arriver..."
Un roman facile à lire, idéal pour celles et ceux qui veulent découvrir la Révolution sous un angle original ou qui souhaitent découvrir cette période sans se prendre la tête !

Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : Folio
Date de parution : novembre 2014
Couverture : brochée
Format : 10,8 cm x 17,8 cm
Pagination : 208 pages
ISBN : 978-2-0704-5967-4

Livre numérique

Éditeur : Gallimard
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