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jeudi 7 janvier 2021

Le choc de Carnac

Le choc de Carnac
Autrice : Sophie Marvaud

Texte de présentation

4700 avant Jésus-Christ. Les environs de Carnac sont occupés par deux groupes d'humains. Les Nomades des forêts vivent de chasse et de cueillette comme leurs ancêtres les plus lointains. Les Pêcheurs de la côte se sont fixés là où l'ampleur de la marée permet d'abondantes récoltes de poissons à l'aide de barrages de pierres. Un équilibre s'est instauré entre les deux groupes, fait d'échanges (de nourritures, de biens et de femmes) et aussi de conflits qui cessent au premier sang versé. Mais voilà que de nouveaux venus incendient les forêts, bâtissent des maisons et interdisent le passage sur de vastes territoires.
Ils retiennent prisonniers des animaux inconnus. Ils domestiquent la terre qui leur offre de grosses quantités de céréales. Ce sont les Cultivateurs des vallées. Le conflit semble inévitable quand, Longues-jambes, le commerçant voyageur (qui connaît déjà les trois groupes) propose sa médiation. Il est assassiné. Cette fois, la guerre est déclarée et des humains visent à mort d'autres humains – une nouveauté effrayante.
Le soir de cette première bataille, au milieu des cadavres et des blessés, trois femmes s'interposent : Sourire-de-lynx chez les Nomades, Paruline chez les Pêcheurs, Ardente chez les Cultivateurs. Elles proposent de découvrir ensemble qui a tué le commerçant : le meurtrier porte la responsabilité de la guerre. Chacune garantira pour son groupe l'impartialité de l'enquête. Le coupable et son peuple devront quitter la région, laissant les deux autres se la partager.
Persuadé que l'assassin se trouve chez ses ennemis, chacun accepte cette issue radicale.

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Mon avis : Bien

Ce roman se déroule au début du Ve millénaire avant notre ère dans la baie de Quiberon. Dans cette région, deux tribus aux croyances et aux modes de vie très différents cohabitent dans un mélange de défiance et d'ignorance : les nomades des forêts (chasse et cueillette) et les pêcheurs de la côte et des îles (pêche et sel). De nouveaux venus, les cultivateurs des vallées, s'installent à proximité, en quête de nouvelles terres pour y développer l'élevage et l'agriculture.
Trait d'union de ces trois clans, Pas-de-Géant, un commerçant itinérant. Mais celui-ci est retrouvé mort, assassiné. Qui l'a tué ? Les tensions entre les tribus s'exacerbent, chacune accusant l'autre de ce meurtre. La guerre n'est pas loin... Trois femmes issues des différentes tribus, La Vivace, Paruline et Lynx, décident de mener l'enquête...

Un policier préhistorique
Plus on s'éloigne dans le temps et plus le contexte historique, les modes de vie, les pensées, l'environnement de nos ancêtres deviennent imprécis et flous. On pourrait penser que ce genre littéraire est une aubaine pour les romanciers qui peuvent ainsi laisser libre cours à leur imagination, mais ce n'est pas le cas.
Contrairement aux auteurs de romans historiques ou contemporains, les auteurs de romans préhistoriques ne disposent que de peu de sources pour écrire leurs fictions. Ils s'appuient sur les rapports de fouilles, les comptes-rendus de conférences et les articles relatant et analysant les découvertes archéologiques : une documentation souvent incomplète et constituée d'hypothèses. Impossible donc de connaître les pensées, les croyances, les moeurs, les langages, l'organisation sociale et familiale de ces hommes et femmes qui vivaient il y a si longtemps. L'auteur de fiction préhistorique part donc des connaissances et hypothèses actuelles pour créer un contexte et un environnement avant d'y installer son intrigue et ses personnages. Des personnages qui vont vivre des aventures au cours desquelles nous découvrons leurs pensées, leurs modes de vie, leurs activités et pourquoi pas leurs sentiments. Mais la vigilance est de mise : il faut que le récit reste cohérent et éviter les anachronismes.

Un auteur familier de la préhistoire
Historienne de formation, et auteur d'un précédent policier historique situé au paléolithique supérieur, Meurtre chez les Magdaléniens, Sophie Marvaud a suivi dans ce roman situé au néolithique la même démarche que pour le précédent en s'appuyant au maximum sur les traces, les objets, les lieux, les connaissances scientifiques avant de remplir les blancs grâce à son imagination.

Un "bel objet"
Outre un visuel de couverture particulièrement bien choisi, mystérieux à souhait, ce roman, qui fait partie de la belle collection "Crimes et Monuments", se caractérise par une couverture dite "peau de pêche" (soft touch pour les connaisseurs), très agréable au toucher, mais salissante à l'usage, surtout quand la couverture est à dominante noire. Certes, il est important de se démarquer, mais je pense qu'il aurait été plus judicieux de se priver du soft touch, qui ne se justifie pas vraiment ici, ce qui aurait permis de baisser le prix de vente du livre afin de se rapprocher de celui d'un livre de poche (déformation professionnelle).

Des femmes au centre de l'intrigue
Lorsque l'on évoque la préhistoire, les gens imaginent souvent une période dominée par des hommes rustres et arriérés et l'on ne songe même pas aux femmes, inexistantes. À tort, bien entendu. C'est donc avec beaucoup de plaisir que j'ai découvert que Sophie Marvaud avait choisi un trio de femmes comme héroïnes et enquêtrices : La Vivace – cultivatrice de 40 ans qui a eu jusqu'ici une vie plutôt ingrate –, Paruline – deuxième épouse délaissée d'un riche pêcheur – et Lynx – nomade de 16 ans qui vit dans une société plutôt égalitaire. Des femmes issues de trois tribus différentes, qui ne partagent pas la même langue, aux âges, aux vies, et aux moeurs très différents, mais qui souhaitent la paix. Mais sans pour autant oublier ou amoindrir la présence des hommes, les personnages masculins sont également bien présents et bien individualisés.

Des personnages parfois trop modernes ?
Certes, les hommes et femmes du néolithique n'étaient pas des sauvages, mais il m'a semblé parfois que certains personnages avaient des préoccupations, des réactions ou des modes de pensée un peu trop modernes, au point que j'en venais à en oublier la période où nous nous trouvions. Mais rien ne prouve que cela n'ait pas été effectivement le cas, car n'oublions pas que ces hommes et ces femmes étaient des Homo sapiens, c'est-à-dire des humains semblables à nous d'un point de vue morphologique.

Un roman instructif
À travers son récit, l'auteur restitue bien les connaissances actuelles sur cette période et cette région, apportant même une hypothèse sur la signification des mégalithiques. Elle aurait pu aller un peu plus loin en portant encore plus d'attention aux activités quotidiennes des personnages, mais au risque d'introduire des anachronismes, de parasiter la narration et de décourager certains lecteurs. Les éléments documentaires et informatifs ont été rassemblés en début et fin d'ouvrage : repères chronologiques, repères géographiques, notes explicatives sur les faits et l'imaginaire, bibliographie. C'est passionnant ! Il ne manque qu'une carte de la région à l'époque avec la localisation des noms de lieux et des différentes tribus.
Tout comme le titre, ce roman met bien l'accent sur un moment important de notre histoire en ce lieu qu'est la baie de Quiberon, la rencontre de plusieurs groupes humains aux modes de vie très différents : les chasseurs-cueilleurs nomades et les agriculteurs-éleveurs sédentaires. Ce moment extraordinaire a laissé des traces, les mégalithes en l'occurrence, mais aussi d'immenses zones d'ombre. Et l'auteur, tout en nous plongeant dans un passé vivant, a parfaitement restitué ce moment critique à partir d'une documentation rigoureuse.
Ce policier préhistorique comporte plusieurs niveaux de lecture : il s'agit d'une enquête policière, mais le cadre et le contenu historiques, ainsi que les dimensions sociologique et écologique sont tels que ce roman est à la fois distrayant, instructif et propice à la réflexion sur l'homme en général et son action sur son environnement.

Une intrigue intéressante mais un dénouement décevant
Tout au long du roman, nous suivons nos trois détectives dans leur enquête pour savoir qui a tué Pas-de-Géant et pourquoi. Une enquête savamment menée, pleine de révélations sur les personnages et de rebondissements.
Mais l'intrigue policière, fil conducteur de ce roman, retombe d'un coup à la fin du roman avec un dénouement incompréhensible à mes yeux. On ne découvre le meurtrier que de manière indirecte et succincte, comme si cette découverte était secondaire : on ignore comment il a été démasqué, capturé et a avoué. En outre, le meurtrier n'est pas un vrai méchant, ce qui est peu crédible. C'est dommage car il y avait un vrai suspense que l'auteur n'a pas exploité jusqu'au bout et à fond.

Une narration agréable
Mêlant avec efficacité dialogues et descriptions, ce roman sans temps mort est très agréable à lire d'autant que le récit est mené par un narrateur omniscient qui connaît bien les lieux et chaque personnage. Il nous laisse accès à leurs pensées, leurs réflexions, leurs sentiments, que ce soit la peur, le courage, l'amour... À ce titre, le long périple de Joli-Coffre pour retrouver sa tribu m'a semblé très intéressant, car ce personnage nous montre alors toute sa fragilité et ses peurs.
La liste des personnages par clan en début de roman est précieuse car, évidemment, ils ne portent pas des noms très courants, donc difficilement mémorisables : Joli-Coffre, Gros-Bras, Fils-de-Lune, Harelde, Puissance-d'Ourse... Pourtant, j'ai eu un peu de mal à m'y retrouver entre ces différents clans et personnages, devant souvent me reporter à la liste des personnages pour me souvenir à quelle tribu appartiennent tel ou tel personnage.
Les descriptions, pas du tout pédagogiques ou scientifiques, ne sont pas ennuyeuses ou trop longues, elles sont au contraire très évocatrices, pleines de sensations visuelles, olfactives et auditives, nous plongeant tantôt dans la forêt, tantôt en mer, tantôt sur le rivage. Ces impressions ont été renforcées dans mon cas par le fait que j'ai lu ce roman alors que je passais quelques jours à Quiberon !

http://editions.monuments-nationaux.fr/fr/accueil/

Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : 10/18
Date de parution : janvier 2021
Couverture : brochée
Format : 10,8 cm x 17,7 cm
Pagination : 312 pages
ISBN : 978-2-2640-7766-0

Livre numérique

Éditeur : Nouveau Monde / Éditions du Patrimoine
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