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jeudi 20 octobre 2016

Justiciers. Histoires vraies

Justiciers
Auteur : Bruno Fuligni

Texte de présentation

Corps démembrés, familles dévastées : des crimes d'une spectaculaire sauvagerie terrorisent le pays quand le jeune Antoine intègre l'École de police. Un vieux professeur de criminalistique va lui donner les clefs du mystère à travers vingt histoires vraies, vingt crimes et enquêtes attestés historiquement, de l'Antiquité à nos jours, sur tous les continents. Une initiation au mal absolu.
Un démonologue, un patron de Scotland Yard, un roi blanc du Pacifique, un "Sherlock Holmes russe", un policier de la jungle malaise ou un greffier de la Morgue épris de poésie : tels sont les justiciers d'hier qui viennent au secours du justicier d'aujourd'hui.
Avec ce texte d'une grande originalité et d'une grande précision, Bruno Fuligni navigue entre fiction et réalité historique pour raconter la force d'un certain esprit de justice et la constitution d'un véritable savoir policier à travers les siècles.

En complément

  • Bruno Fuligni a été invité par Jacques Pradel dans le cadre de son émission radio "L'heure du crime" sur RTL. Vous pouvez réécouter cette émission en cliquant sur ce lien : "L'affaire Martin Dumollard".

Mon avis : Bof...

Antoine, un jeune élève-commissaire, fait sa rentrée à l'École nationale supérieure de la Police à Saint-Cyr-au-Mont-d'Or, dans la banlieue de Lyon, où il suit avec quelques autres élèves de sa promotion les cours de Science criminalistique donnés par l'extravagant et fantasque professeur Joannon qui les initie à cette matière en leur racontant l'histoire des plus grands justiciers à travers vingt récits authentiques qui se déroulent depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours et sur tous les continents.
Dans le même temps, peu de temps après la rentrée, plusieurs corps mutilés sont successivement retrouvés dans la région et la population commence à prendre peur, car le meurtrier, particulièrement cruel et retors, court toujours malgré les efforts de la police. Intrigués par ces meurtres, les élèves du professeur Joannon décident de mener l'enquête en utilisant les enseignements de leur professeur…

L'auteur et ses écrits
Né en 1968, Bruno Fuligni est historien, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris. Haut fonctionnaire et maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, il est l'auteur d'une vingtaine de livres aussi insolites qu'érudits notamment sur l'histoire politique et policière de la France : Royaumes d'aventure, Tour du monde des terres françaises oubliées, Dans les archives inédites des services secrets, Les gastronomes de l'extrême… Des sujets souvent originaux et étonnants pour ce spécialiste des archives secrètes et cachées et cet amateur de curiosités, mais toujours des livres d'histoire.

Un livre inclassable
Ce livre m'a donc un peu surprise : est-ce un livre d'histoire ou bien un roman historique ? Le texte de quatrième de couverture ne m'a guère aidée en l'occurrence. Certes, cette dernière parle d'un mélange de "fiction" et de "réalité historique", mais au final comment classer ce livre ? La coédition des éditions Perrin et des éditions Sonatine montre d'ailleurs toute l'ambiguïté du projet : sciences humaines versus littérature. Et la couverture reprend tous les codes graphiques propres aux éditions Sonatine, notamment leurs thrillers ou policiers historiques. Alors aurions-nous affaire à un roman policier historique ?

Eh bien non, ce serait aller bien vite en besogne ! Sur les vingt-trois chapitres de ce livre, vingt sont caractérisés par une alternance entre fiction policière et histoires vraies, et donc entre présent et passé. Les autres chapitres permettent d'introduire et de clore le livre.
La réalité historique – donc ces histoires vraies de justiciers – s'intègre bien au sein du livre et au coeur même des chapitres puisqu'elle est à chaque fois amenée par le professeur Joannon, de manière régulière et identique : chaque chapitre débute ainsi dans le temps présent et dans un lieu précis – amphithéâtre, gymnase, bibliothèque, cantine, etc. –, puis évolue doucement vers l'évocation de ces faits divers réels. Cette structure originale, qui joue sur deux tableaux à la fois, peut toutefois se révéler déstabilisante, maladroite et artificielle...

Une intrigue qui ne fait pas le poids
Face à un sujet aussi fort qu'est l'histoire des plus grands justiciers, il était quasiment impossible de faire vivre et évoluer conjointement une intrigue policière. L'idée était originale, le pari un peu fou, l'intention était bonne, mais le résultat n'est pas à la hauteur : à chaque chapitre, on a tout simplement hâte de quitter la peu captivante intrigue policière contemporaine pour voyager dans le passé et découvrir les histoires vraies des justiciers, bien documentées (une bibliographie figure en fin d'ouvrage) mais hélas trop courtes : j'aurais préféré que le livre entier ne soit consacré qu'à ces récits de justiciers.

L'intrigue est également desservie par le côté haché de la narration : dès qu'un nouveau chapitre commence, l'intrigue est vite et soudainement interrompue par la narration de l'histoire vraie qui se développe sur plusieurs pages et on retombe en fin de chapitre dans la fiction. Un caractère haché mais aussi très court : si l'on rassemblait d'un côté toutes les histoires et de l'autre toute la fiction, je pense que la fiction serait bien moindre. Par ailleurs, l'intrigue est cousue de fil blanc, prévisible, peu convaincante et même tirée par les cheveux. Elle sert de prétexte pour annoncer les faits historiques et uniquement à cela, c'est un enrobage bien maladroit. Ce système alourdit la lecture et la rend monotone car répétitive et donc prévisible : aucune surprise de ce côté-là.

Des histoires vraies surprenantes
A contrario, les vingt histoires véridiques sont très intéressantes car bien souvent méconnues et parcourant toutes les époques et tous les continents, mettant face à face des meurtriers sans scrupules, manipulateurs, machiavéliques, fous et des justiciers habiles, rusés, patients, intelligents, des êtres passionnés par leur métier, résolus à arrêter au plus vite tous ces criminels plus monstrueux les uns que les autres : vous ferez ainsi la connaissance d'un un démonologue, d'un patron de Scotland Yard, d'un roi blanc du Pacifique, d'un "Sherlock Holmes russe", d'un policier de la jungle malaise, d'un greffier de la Morgue épris de poésie, etc. De l'Antiquité à nos jours, quel que soit le continent, c'est toujours la logique, la réflexion, l'intuition, l'expérience, la connaissance qui sont à l'oeuvre et permettent de résoudre les affaires les plus étranges et complexes.

Toutes les histoires ne sont pas aussi passionnantes les unes que les autres, mais j'en ai retenue une qui m'a particulièrement intriguée et intéressée, la même que celle présentée d'ailleurs par Franck Ferrand dans son émission radio disponible en podcast (le lien figure plus haut, dans la rubrique "En complément") : "La musique de l'Enfer". Accrochez-vous bien : Carlo Gesualdo, compositeur italien né en 1566 et mort en 1613, a défrayé la chronique en 1590 en assassinant sa première épouse et l'amant de celle-ci, surpris tous deux en situation d'adultère.
"Ce fut une longue et raisonnée profanation de tout ce qui tenait la société en 1590 : l'honneur et la religion.
Les liens sacrés du mariage ? À son tour il les foulait aux pieds, non par un véniel adultère, mais en massacrant consciencieusement l'épouse que Dieu lui avait confiée. Et non seulement il l'éventra, lacéra ce corps nu qui avait nargué son orgueil et sa puissance en se donnant à d'autres, mais il se livra au sacrifice publiquement, exhibant la pécheresse aux yeux de trois hommes de rien qu'il avait recrutés pour le seconder. De manière organisée, préméditée, la duchesse de Pescara, princesse Gesualdo, périt déshonorée, tout comme son amant d'ailleurs : ce duc d'Andria qui venait prendre du bon temps avec sa dame, Gesualdo et ses hommes de main le supplicièrent au-delà du racontable, le percèrent, le saignèrent comme un porc avant de l'étriper doucement. La mort vint pour lui comme une délivrance."

Après ces crimes atroces, il se retira dans son château de Gesualdo où il composa des madrigaux, des musiques poignantes et déchirantes, dont le fameux Répons des ténèbres, que les musicologues interprètent différemment à la lumière de la biographie de Carlo Gesualdo : dans ce douloureux madrigal, qui exprime musicalement la Passion du Christ, le compositeur criminel et repentant se serait identifié à la figure du Christ martyr dans un acte de contrition ou de mortification. En tout cas, impossible de rester impassible à l'écoute de cette musique...
"De loin, on aurait dit une musique religieuse ancienne, jouée sur des instruments archaïques, mais une fois assis dans la salle, fixant notre attention sur ce que nous entendons, nous sommes d'un coup happés, pris de vertige, comme si le sol s'était dérobé et que nous surplombions un précipice. Les airs qui se succèdent semblent une même suffocation, un râle douloureux monté d'outre-tombe qui bousculerait les arrangements de notes pour retentir envers et contre tout, dominant et cassant les élans mélodiques pour nous entraîner, par des failles secrètes, au fond du chagrin et de la déchéance humaine.
Cette musique n'est pas triste, elle est désespérée ; enjouée pourtant, élégante en ses multiples colorations sonores, elle a l'accent de la gaieté enfantine et une vitalité sans pareille qui la distinguent absolument des cantiques, mais à chaque instant une rupture, une dissonance savante et inattendue, résonne comme un ricanement satanique. La vie, nous dit-elle la vie est un piège ! Les plaisirs, les amours, les vanités nous entraînent dans une ronde que nous croyons joyeuse et voyez : la trappe s'ouvre, les démons vous saisissent et vous transpercent, la souffrance est la loi qui s'impose à tous. Tel paraît en particulier le message du récitatif à plusieurs voix qui nous déchire le cœur : non ses paroles, que nous ne comprenons pas, mais l'imploration qui en émane, l'appel à la clémence d'une légion de damnés invisibles, en proie aux châtiments infernaux.
Comment cette musique, si légère un instant, si gracieuse, radieuse même à tel ou tel instant, peut-elle affliger à ce point ? Comment ces voix chantantes cessent-elles ainsi d'avoir un timbre humain, pour exprimer une plainte aussi pitoyable et lointaine ?"

Voici un extrait du Répons des ténèbres par The King's Singers :



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En conclusion
Points forts :
  • Les justiciers, un angle d'approche intéressant autour du thème des affaires criminelles.
  • Des histoires vraies originales et méconnues.
  • Un talent de conteur : un style agréable et précis.

Points faibles :
  • Une structure mêlant fiction et réalité historique qui ne fonctionne pas.
  • Une intrigue faible et inutile, qui ne fait pas le poids face aux histoires véridiques.
  • Les éléments fictionnels tendent à parasiter les histoires vraies.

L'avis des blogueurs

Yozone

Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : Pocket
Date de parution : octobre 2016
Couverture : brochée
Format : 10,8 cm x 17,7 cm
Pagination : 352 pages
ISBN : 978-2-2662-5785-5

Livre numérique

Éditeur : Sonatine/Perrin
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