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samedi 12 novembre 2016

Le mystère de la maison du Puy

Le mystère de la maison du Puy
Autrice : Françoise Miard-Muller

Texte de présentation

Février 1853. Deux curieuses lettres lui parvenant de personnes qu'elle a perdues de vue depuis plusieurs années poussent Victorine de Beauval, jeune veuve de 23 ans, à sortir de son abattement. Sa nourrice lui fait transmettre un message d'outre-tombe : le secret qu'elle devait lui révéler, seul sa fille Rose peut le lui transmettre. La deuxième lettre, qui émane d'une amie l'invitant à Paris, la laisse perplexe.
Du château des Tuileries aux garnis miteux de quartiers populaires, Victorine découvre un Paris aux différences saisissantes. Des blanchisseuses du quartier du Temple à Paris aux dentellières du Puy-en-Velay, sa quête de vérité déclenche une succession d'événements graves ; le danger rôde autour de Victorine qui doit s'appuyer sur des forces qu'elle croyait éteintes pour transcender ses peurs, gagner en liberté d'action.
Aidée par le commissaire Claude et son inspecteur "le Requin", Victorine mène son enquête pour lever le voile sur un lourd secret enfoui sous des années de silence.

Mon avis : Bien

Février 1853. Depuis le décès de son époux, Victorine de Beauval vit retirée dans son domaine situé sur les hauteurs de Saint-Pierre-les-Étieux, dans le Cher, alternant nuits sans sommeil et journées mornes. C'est alors qu'elle reçoit successivement deux lettres étranges provenant de deux personnes dont elle est sans nouvelles depuis plusieurs années, l'une du père Paul, l'autre d'Anne de Villeprieux, une amie d'enfance. Deux lettres qui vont la conduire à Paris puis au Puy-en-Velay à la quête d'un terrible secret, mais le chemin vers la vérité sera parsemé d'embûches et de dangers mortels...

Une fresque de la "vraie vie" sous le Second Empire
Situé sous le Second Empire, ce roman nous offre un vaste et intéressant panorama de la vie quotidienne des Français, aussi bien à Paris qu'en province. Si l'on connaît plutôt bien la grande histoire de cette période, que l'auteur a pris soin, de manière très utile, de rappeler en ouverture de roman, la vie au jour le jour des Français d'alors nous est bien moins familière. Et c'est en suivant l'épopée de Victorine, l'héroïne de ce roman, que le lecteur découvre en détail comment vivaient les hommes et les femmes de cette époque.

Loin de la vie fastueuse de la cour impériale, faite de réceptions, de bals et autres divertissements, ou même de celle de la grande bourgeoisie, qui vit dans des hôtels particuliers et va au spectacle, ce roman explore la vie des "petites gens", celle que l'on connaît si mal et qui est pourtant celle de la majorité de la population. Car la France sous le Second Empire demeure un pays en grande majorité rural, marqué par une espérance de vie faible, des inégalités sociales toujours plus fortes, des logements insalubres, etc. Avec Victorine, nous découvrons les trajets en malle-poste, les petits métiers d'alors – blanchisseuses, lingères, dentellières, etc. –, les quartiers populaires de Paris, les vêtements, etc.

"Elles arrivèrent rapidement devant un immeuble miteux de trois étages, au numéro deux. Louis poussa une porte aux lattes de bois délavées, rongées par les pluies et le temps. Elles entrèrent dans un couloir peu large qui débouchait sur une courette. Des odeurs d'ordures ménagères et de latrines prenaient à la gorge. Sur la droite, une masure de chiffonnier renforçait la puanteur des lieux. Sur la gauche se trouvait l'escalier qui menait aux garnis. Dans la cage d'escalier étroite, un mur lépreux, aux moisissures et desquamations importantes, donnait rapidement une indication sur l'état de salubrité de l'immeuble. Les marches en bois, glissantes des dépôts successifs de terre, de saleté, de vestiges d'ordures ménagères tombées avant le dépôt dans la cour, offraient peu de sécurité."

Fruit d'un énorme travail de documentation, les descriptions s'insèrent parfaitement bien au coeur du récit, parfaitement dosées, jamais trop longues, à la fois précises (avec en complément d'intéressantes notes en bas de page) et extrêmement vivantes et réalistes. Étant passionnée de généalogie, cet aspect m'a tout particulièrement intéressée, car il m'a permis de mieux visualiser quelle a pu être la vie de mes ancêtres. Un seul exemple, le métier de lingère, fréquent au XIXe siècle :

"Les coups de battoir, les passages de la brosse de chiendent sur les épaisses toiles de chanvre, de lin, de coton épais, le chuintement de l'eau bouillante dans le cuvier, les voix fortes des femmes qui chantaient pour se donner du cœur à l'ouvrage, une dispute éclatant au bassin de rinçage où une fillette trempait des rideaux sales à côté d'une femme en train de rincer des nappes d'un blanc immaculé, toute cette cacophonie étourdit Victorine qui avait déjà des difficultés à respirer dans l'ambiance humide."

Un roman bien structuré et une plume sensible
Ce cadre très réaliste se marie de manière très subtile avec les scènes dialoguées et l'intrigue, bien menée, bien rythmée, avec un suspense permanent et des rebondissements, le dénouement n'arrivant vraiment qu'à la toute fin du roman et nous permettant d'enfin comprendre la raison d'être du prologue. L'énigme, centrée autour d'un secret de famille, est émotionnellement forte et poignante. Et qui dit secret de famille dit généalogie et psychogénéalogie, me voilà donc encore une fois ravie !

D'un point de vue formel, le roman se structure autour de chapitres ni trop longs ni trop courts et l'insertion des dates tout au long du récit permet au lecteur de bien se repérer dans le temps. Malgré quelques fautes d'orthographe, ce roman se caractérise surtout par une belle écriture, élégante, ciselée, efficace, toute en tendresse, qui montre combien l'auteur aime son personnage. Et cela fait du bien de lire un roman où l'on trouve l'imparfait du subjonctif, cela devient si rare de nos jours (hélas, je ne l'utilise plus non plus...) ! Donc franchement, j'ai rapidement oublié ces quelques fautes, comblée par cette plume si fine et cet usage de ce temps du passé.

Une héroïne touchante mais des personnages secondaires pas assez présents
Enfin un roman mettant en scène une femme au premier plan ! Cela n'a pas l'air comme ça, mais je peux vous dire que cela fait du bien, j'en ai un peu assez de tous ces romans où l'on compte les femmes sur les doigts d'une main, lesquelles sont en plus généralement de véritables clichés ! Victorine n'est ni une superwoman ni une personne mièvre ou soumise, c'est une femme avec ses qualités et ses défauts, qui fait face aux événements de la vie avec ses propres armes.
De nombreux personnages interviennent au cours du roman auprès de Victorine – Marie Delecourt, Anne de Villeprieux, Émile Damberville, Hippolyte Carpentier, Louise la lingère, le commissaire Claude, Victor Maillet dit "Le Requin", etc. – et celle-ci semble confrontée à de tels dangers, d'autant plus grands qu'on n'en connaît pas la cause, que l'on en devient suspicieux et l'on se demande sans arrêt si tel ou tel individu a de bonnes ou de mauvaises intentions à l'égard de Victorine. Ces questionnements sont d'autant plus systématiques que les personnages entourant Victorine ne sont pas suffisamment décrits. L'accent est vraiment mis sur l'héroïne et les autres personnages font un peu pâle figure à ses côtés. Par exemple, je n'ai trouvé aucune description physique ou psychologique d'Hippolyte Carpentier et j'ai bien eu du mal au départ à savoir s'il s'agissait d'un jeune homme ou d'un homme d'âge mûr.
Bref, on a peur en permanence pour Victorine, qui semble assez fragile et naïve au premier abord, mais malgré les recommandations du commissaire Claude, elle n'hésite pas à prendre de grands risques pour découvrir la vérité. De femme en deuil, cloîtrée dans son domaine berrichon et marquée par une existence triste, la voilà totalement métamorphosée, comme si elle avait reçu un électrochoc ! Même si le doute et la peur ne la quittent jamais – ce qui en fait une héroïne attachante et très réaliste –, elle n'hésite pas à affronter ses peurs et à faire preuve de courage allant même jusqu'à voyager seule en malle-poste entre le Berry et le Puy-en-Velay, en passant par Paris, ce qui est exceptionnel au XIXe siècle ! Et ce n'est pas peu dire : en effet, le XIXe siècle n'a guère été favorable aux femmes – si tant est qu'il y ait eu une époque propice aux femmes dans toute l'histoire de France –, la femme avait alors peu de liberté, puisqu'elle était sous la coupe de son père, puis de son mari. Seule une femme veuve pouvait se permettre de voyager ainsi, mais en prenant des risques.
Arrivée au terme de cette lecture, j'étais triste de quitter Victorine, mais la dernière phrase du roman, "– Ne ferais-je pas un bon policier ?" me laisse augurer du meilleur pour la suite !

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En conclusion

Points forts :
  • Un roman bâti à partir d'une solide documentation, rendant sa lecture très instructive.
  • Une description précise et vivante du quotidien des Français sous le Second Empire, loin des lieux de pouvoir qui ont déjà fait l'objet de romans historiques.
  • Une intrigue originale, qui se déroule à la fois à Paris et en province, avec un suspense permanent reposant sur un secret de famille.
  • Un roman qui met en scène une femme, loin de tout stéréotype et au caractère attachant.

Points faibles :
  • L'impossibilité tout au long du roman à rattacher le prologue à l'intrigue.
  • Quelques fautes d'orthographe.
  • Certains passages auraient pu être davantage développés, notamment la description des personnages entourant l'héroïne.

En complément

  • Interview de l'auteur sur France Bleu.
  • L'Écho du Berry a consacré un article à l'auteur à l'occasion de la parution de ce roman. Cliquez sur l'image pour lire l'article et en savoir plus !

L'avis des blogueurs

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Caractéristiques techniques

Livre papier

Éditeur : Ex Aequo
Date de parution : novembre 2016
Couverture : brochée
Format : 13,5 cm x 21,5 cm
Pagination : 216 pages
ISBN : 978-2-3596-2871-5

Livre numérique

Éditeur : Ex Aequo
Format : Amazon : Kindle

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